Flore-Anne d'Arcimoles : « La rigueur historique est très importante. On doit être irréprochable »

INA – Comment est née cette série ?

Flore-Anne d’Arcimoles – C’est un projet que j’avais en tête depuis mes études en sciences politiques. Je voulais faire une série qui raconte l’histoire en format court, quelque chose de très simple, tout en archives. Dans mon coin, j’ai commencé à écrire un pilote sur la naissance du Front national. Mon souhait était de le diffuser dans l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 2017. C’était vraiment de la « bidouille ». Avant la mise en ligne, j’ai contacté l’INA n’étant pas certaine à 100 % d’avoir le droit d’utiliser les archives. On m’a répondu très rapidement et, de fait, je n’avais pas les droits (rires) ! Je ne savais pas du tout comment tout cela fonctionnait. Mais l’idée a plu à l’équipe de production de l’INA et de fil en aiguille, c'est devenu la première websérie produite par l’INA. De mon côté, j’ai démissionné en 2018, le lendemain du jour où France Télévision a acheté le programme. Ça a été la bonne façon de me lancer. C’est devenu un programme jeunesse, ce qui n’était pas du tout une ambition au départ. Aujourd’hui, je trouve cela encore plus fort de s’adresser aux jeunes.

INA – Vous étiez donc complétement novice ?

Flore-Anne d’Arcimoles – En effet. Je n’étais ni historienne, ni documentariste. À l’époque, c’était une drôle d’équipe. Il s’agissait de la première production d’Amandine Collinet à l’INA. Le montage était fait par ma grande sœur, Camille d’Arcimoles, qui avait arrêté de monter depuis plusieurs années. On était toutes très motivées, c’était une super aventure. Il faut aussi saluer le rôle des documentalistes de l’INA qui a été particulièrement précieux. Les archives qu’ils me proposaient pouvaient parfois complétement changer l’écriture. J’ai beaucoup appris sur la technique aussi. La plupart des archives sont au format 4:3 et le programme est en 16:9. Il fallait donc faire un programme dynamique et graphique tout en respectant l’archive. C’était très intéressant, mais pas toujours évident.

INA – Comment choisissiez-vous les sujets ?

Flore-Anne d’Arcimoles – Je suis d’abord arrivé avec mes sujets. D’autres m’ont été soufflés par l’INA ou France Télévision. Certains épisodes s’écartent parfois légèrement de la grande histoire comme celui consacré à la naissance du Tour de France. Au fur et à mesure, la série s’est perfectionnée et s’est adaptée aux programmes scolaires. J’ai également écrit un sujet sur Françoise Sagan qui peut se raccrocher au programme de français. La série est vraiment devenue un outil pour les élèves. Le choix des sujets devient de plus en plus difficile aujourd’hui. On arrive à 70 épisodes au total ! Il y a aussi des épisodes que je ne voulais pas faire comme ceux sur le génocide au Rwanda ou la Guerre d’Algérie que je trouvais très compliqué à résumer en cinq minutes. Mais finalement, nous les avons réalisés.

INA – Justement, au niveau de l’écriture, vous vous faites accompagner par des historiens ?

Flore-Anne d’Arcimoles – La rigueur historique est très importante. On doit être irréprochable. Plus encore lorsque l’on s’adresse aux jeunes. Tous les textes sont validés par un conseil historique (Gregory Léonard puis Olivier Coquard pour la saison 6 et Jean-Yves Le Naour pour la saison 7). Le format court est intellectuellement très exigeant. Parfois cela se joue à un mot, une virgule ou un silence pour faire passer une nuance. Ce sont des heures et des heures de travail pour cinq minutes de programme.

INA – Il y a un épisode qui vous tient particulièrement à cœur ?

Flore-Anne d’Arcimoles – Je suis très attachée au premier épisode sur l’assassinat de Martin Luther King. On retrouve toute la grammaire de la série. J’ai beaucoup aimé faire des portraits aussi. L’approche est plus sensible. Les portraits de femmes surtout comme Joséphine Baker et Angela Davis. Ça m’a beaucoup plu.

INA – Comment expliquer vous le succès de « La Grande Explication » ?

Flore-Anne d’Arcimoles – Selon moi, c'est le travail, l’exigence et l’émulation de toutes les personnes qui ont participé au projet. Outre la rigueur historique, nous avons été très attentifs au ton et au rythme. Bien que court, le programme est très millimétré, c’est extrêmement énergivore. C’est une des raisons pour laquelle j’ai passé le relai après 50 épisodes. Les regards de neufs d’Éloïse Fagard sur la saison 5 et celui de Jean-Christophe Nabères sur cette septième saison apportent selon moi cette même exigence. Cette série, c’est un peu mon bébé. J’espère continuer de la voir grandir.